Avant toute chose, pour moi sensibilité veut bien dire douleur. Un cheval qui trébuche et a des difficultés à se déplacer est dans un niveau de douleur extrêmement élevé. Pour un animal de fuite, montrer ainsi ses faiblesses locomotrices est quasiment un acte de mise à mort, les potentiels prédateurs s'attaquant toujours aux plus faibles. Le mot "sensibilité" n'est apparu que très récemment dans la bouche des pareurs naturels pour minimiser ces douleurs aux yeux des propriétaires de chevaux. Ces douleurs sont-elles inéluctables ou non, cela est un autre débat dont je n'ai pas encore la réponse.
avril 2014, grosses douleurs sur chemins durs |
Les signes de douleurs sont parfois difficiles à repérer. Chez Val cela se traduit par une vitesse moindre, une encolure basse et une expression faussement détendue : yeux mi-clos, oreilles relâchées mais bouche un peu contractée. En cas de doute, je la passe sur l'herbe et je vois de suite la différence : d'un coup elle se redresse, accélère et pointe les oreilles droites en avant. Val est en effet une jument très active, les signes de détente sont donc souvent trompeurs chez elle. Ceci dit les chevaux empathiques ou extrêmement calmes sont bien souvent des chevaux qui souffrent ou qui sont affaiblis, ce sont des attitudes suspectes.
Mais revenons au sujet de cet articles : quels sont les facteurs qui influent sur la sensibilité des pieds des chevaux ?
Comme nous parlons d'êtres vivants, je ne suis sûre que d'une chose : on ne peut pas faire de généralités! D'ailleurs les professionnels quelque soit leur domaine qui appliquent un carcan théorique sur n'importe quel être vivant sont souvent à côté de la plaque. Je vais donc essayer d'extrapoler des pistes de réflexion à partir d'exemple que j'ai pu observer : l'influence des conditions de vie de Val sur la sensibilité de ses pieds d'une part, et la sensibilité observée chez d'autres chevaux vivants dans les même conditions que Val d'une autre.
Concernant l'évolution des conditions de vie de Val sur la sensibilité de ses pieds :
- vie au pré, non complémentée :
> aucune sensibilité et passe sur tous terrains (je ne fais pas d'allures sur les cailloux),
- vie petit paddock individuel boueux, alimentation concentrée :
> grosse sensibilité sur chemins durs (cf photo),
- vue en paddock collectif boueux, foin à volonté seul :
> pas de sensibilité sur chemins durs,
- vie au box, foin à volonté seul :
> pas de sensibilité, mais on marche quasi uniquement sur route, manque d'observation pour confirmer,
- box + paddock + chemin en graviers (trajet), foin à volonté seul :
> pas de sensibilité, mais pieds qui se déforment,
Concernant la sensibilité d'autres chevaux vivants dans les même conditions que Val :
Par même conditions j'entends : vie au pré ou au paddock avec même alimentation (même foin à volonté).
- Un paint horse et un fjord, avec même fréquence de sortie (2 sorties en extérieur par semaine), pieds nus depuis longtemps. Ils ont la même propriétaire qui les pare régulièrement seule (elle a appris auprès d'un Maréchal Ferrant).
> tous les deux très sensibles en extérieur été comme hivers (qu'ils soient au pré ou au paddock),
- une pur sang arabe de 12 ans, sortie 1 fois par semaine en carrière, jamais sortie en extérieur, pieds nu depuis toujours mais quasi sans entretien (2 parages MF "de pré" par an).
> aucune sensibilité en balade quelque soit les terrains,
Le critère qui à l'air de plus jouer c'est la distance parcourue chaque jour par le cheval, vu que sur paddock boueux Val est moins sensible en groupe que seule, or en groupe elle bouge forcément plus. L'alimentation doit jouer aussi, mais on ne peut pas séparer nourriture et mouvement dans les cas que j'ai cité. Le fait que vivant au pré Val n'a pas de sensibilité à l'air d'abonder dans le sens de la nourriture à volonté et déplacements augmentés réduisent la douleur.
De la même façon le fait de sortir en balade ou non de façon hebdomadaire son cheval n'a pas l'air d'influer non plus sur la sensibilité. Je trouve ça assez logique que comparé au temps passé au pré ou paddock, des sorties de quelques heures chaque semaine ne jouent pas ou très peu dans la balance. Val et les deux sensibles sortent à peu près autant (2 à 3 sorties en balade par semaine sur tous terrains). A l'inverse la jument PS Arabe marchait sans soucis partout alors qu'elle ne sortait jamais en balade. Ce qui ne veut pas dire que sortir tous les jours son cheval sur terrains durs pendant plusieurs heures n'a aucun impact sur la sensibilité du pied, simplement que ça ne sont pas les conditions observées ici.
Concernant le parage, sur Val sauf parage raté qui créé de la douleur, le parage n'a pas l'air de jouer dans la sensibilité. Au tout début elle avait des pieds très longs et marchait très bien. Par contre ça jouait sur les tendons et aplombs vu les conséquences néfastes sur les tendons qu'a eu le premier parage beaucoup trop brutal. Le cas de la PSarabe laissée quasi sans parage à l'air de confirmer cette hypothèse : le manque de parage ne joue pas sur la sensibilité. En effet avec des pieds extrêmement longs, une paroi cassée et fissurée, des hauts talons et des fourchettes atrophiées elle n'avait pourtant pas de sensibilité, par contre elle avait des problèmes d'aplombs (cagneuse, asymétries, molettes permanentes).
Cependant le cas des deux chevaux sensibles pourrait aussi indiquer que le parage peut jouer un rôle sur la sensibilité au long terme et pas seulement lors d'un parage trop invasif. Vu leurs différences d'origines, on ne peut pas tellement mettre leur sensibilité sur le dos de la génétique. Le seul autre critère qui change dans leur environnement est le parage que fait leur propriétaire. Donc il y aurait peut être un lien entre un parage non adapté et la sensibilité des pieds sur le long terme.
Concernant la génétique, on voit quand même que la jument Pur Sang Arabe et Val (82% arabe) s'en sortent mieux que les deux autres chevaux fjord et paint. Mais 4 exemples ça ne me semble pas suffisants pour faire une généralité.
Pour le type de sol, je ne suis pas convaincue non plus. Bien sur, la différence entre le type de sol où les chevaux vivent et celui où ils sortent en balade peut être source de malaise. Mais dans le cas de Val, le seul moment où ses pieds ont été quotidiennement en contact avec un sol dur et irrégulier, n'a pas été une évolution positive, au contraire, ses pieds subissent trop d'agressions et se déforment au lieu de se renforcer. Alors que même vivant sur sol mou, elle n'avait pas de sensibilité en balade sur sols durs.
De même j'ai entendu parlé d'un cheval vivant dans le Sud Est qui est incapable de vivre pieds nus dans son pré car trop abrasif, ses pieds ne se font pas au sol et il est dans une spirale négative : douleur = pas de mouvements = pas de sollicitations = pas de pousse = douleur, etc...
Donc dans les critères qui influent sur la sensibilité je mettrais :
1- conditions de vie : plus il y a de mouvement au quotidien, moins le cheval est sensible. Vie en groupe, espace de vie le plus grand possible et nourriture pauvre et à volonté sont donc les premiers éléments sur lesquels influer.
2- le parage : inadapté il rend le cheval sensible de façon temporaire, mais visiblement ça peut aussi le rendre sensible de façon chronique. A l'inverse le manque de parage n'a pas l'air de jouer sur sensibilité, mais on observe que les chevaux sans parages ont des problèmes d'aplombs et de membres sur le long terme.
3- la génétique : échantillon trop petit, il faudrait le confirmer avec plus d'exemples.
De ce qui n'est pas de mon expérience mais me semble aussi logique, j'ajouterais :
4- le surpoids : 60 kg en plus (environ le poids d'un cavalier léger ou embonpoint) aggraverait réellement une sensibilité.
Je trouve ça intéressant de voir que de mon expérience, le manque de parage ne joue pas sur la sensibilité, mais à l'inverse que les mauvais parages qui entraînent des douleurs à court ou long terme selon leur occurrence. Cependant les chevaux laissés peu ou pas parés finissent par développer des défauts d'aplombs entraînant des surtensions dans les membres (molettes tendineuses par exemple). On peut donc aborder à nouveau la question que l'on se posait départ avec plus d'éléments de réponse : les douleurs liées au parage sont-elles un mal nécessaire ?
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