mercredi 11 juillet 2018

avoir son cheval chez soi entre rêve et réalité



Qui n'a jamais rêvé d'avoir son cheval sous ses fenêtres quand il réveille tous les matins ? Je pense qu'on peut dire sans trop s'avancer : tout propriétaire d'équidé !

Avant toute chose, je trouve qu'il est intéressant de se demander pourquoi vivre avec son cheval est devenu un objectif rêvé pour beaucoup ? 
Il est possible que l'évolution du cheval en animal de compagnie est poussé beaucoup de propriétaires à vouloir vivre avec eux. Nombre d'entre eux rêvant de s'aménager un petit coin de paradis commun pour eux et leurs chevaux. 
L'on peut aussi vouloir vivre quotidiennement sa passion. Au-delà de simplement monter à cheval, vivre avec son cheval change totalement le rapport que nous pouvons entretenir avec lui. On devient ainsi la personne qui lui donne à manger, le sort, le rentre, le couvre, le bichonne, bref la personne qui gère sa vie et donc lui devient indispensable.  

Aussi il est vrai qu'il est extrêmement tentant de vouloir donner à son cheval le mode de vie que l'on pense être le mieux pour lui. Et comme bien souvent les pensions ne sont qu'une approximation plus ou moins éloignées de ce que l'on voudrait  pour son cheval, l'avoir à la maison permet de s'approcher au plus près des conditions de vie que l'on pense idéales pour lui. Il existe autant d'idéaux que de binômes propriétaire/cheval je pense, donc le seul moyen de les atteindre est de les mettre en application chez soi.

la maison de rêve avec poney sous les fenêtres

Mais au-delà de ces objectifs plus que louables, la réalité est souvent tout autre, et les sacrifices comme les concessions à faire pour accueillir ses chevaux chez soi nombreux. Lors ma traversée de l'été dernier où j'ai vécue H 24 avec Val pendant 2 mois, j'ai eu non seulement le temps et matière à réfléchir sur la question, mais aussi eu la chance de rencontrer et dormir chez de nombreuses personnes ayant des chevaux chez eux.

un des bivouacs de l'été dernier

1- La localisation


La campagne est aujourd'hui loin d'être l'espace accueillant qu'elle est dans l'imaginaire collectif. C'est en effet devenu très largement un espace régi par une logique de productivité. L'été dernier j'ai vue bon nombre de propriétaires de petits coins de paradis en conflit avec les agriculteurs locaux. L'utilisation massive de produits phytosanitaires n'est pas une vue de l'esprit, mais une réalité extrêmement concrète pour les habitants des campagnes voyant les champs autour de chez eux régulièrement et abondement traités, avec toutes les conséquences pour la santé des milieux et des habitants que cela peut entraîner. Le pire étant atteint dans les polycultures et les arbres fruitiers, en particulier les vignes. Les agriculteurs, de leur côté, voyant d'un très mauvais œil la colonisation de leur espace de production par des néo-ruraux citadins et râleurs.  



Evidemment il existe quelques rares campagnes relativement épargnées par les cultures industrielles. Ce sont des coins très boisés, trop vallonnés ou dont les terres sont trop pauvres pour accueillir des cultures intensives et où l'on retrouve une majorité de pâtures. J'ai vue de tel paysages aux alentours de Cluny, les montagnes lyonnaises, dans le puy de dôme, le cantal et la Dordogne (ce qui colle plutôt avec la carte). 

ah la beauté des campagnes françaises !

2- L'augmentation des temps de trajet

En général pour trouver un petit coin de paradis suffisamment grand, à moins d'être millionnaire, il faut s'éloigner des centres urbains et bassins d'emplois. On peut partir sur des temps de trajet d'environ 20 min en voiture et jusqu'à bien plus d'une heure pour les grandes villes. Conséquence directe, l'augmentation des temps de trajet (les trajets quotidiens étant les plus soumis aux bouchons). En plus de la dépendance considérable à votre voiture et l’augmentation des frais annexes (réparation, carburant, etc...) qui vont s'y ajouter. Or dans le même temps, l'installation de toute votre petite famille humaine et équine va aussi vous demander plus de temps au quotidien. Vous vous retrouvez donc dans une situation où vous avez moins de temps disponible et plus de tâches quotidiennes à effectuer. Il va donc être très difficile de faire le "strict minimum" pour tout le monde, et encore plus de se dégager du temps libre pour simplement monter au travailler votre cheval. Surtout qu'encore une fois, faute de moyens, vous ne disposerez pas d'outils agricoles, notamment motorisés (tracteurs, manitout, etc...) adaptés. 

éloignement = augmentation temps de trajets

3- La réduction des espaces de vie et de contacts sociaux des chevaux 

Aussi, la réalité du marché immobilier va certainement vous amener à une seconde concession inévitable : réduire l'espace des chevaux. Vous pourrez difficilement avoir les 3 hectares rêvés, à moins d'habiter dans le Larzac. Bon nombre de chevaux chez des particuliers se retrouvent donc à vivre dans des prés ou des paddocks trop petits dans des conditions loin d'être idéales. A vous les joies du sur-pâturage et de la boue faute d'argent pour agrandir et stabiliser vos terrains. 


la joie des prés et paddocks pleins de boue

Vous allez aussi certainement vous retrouver avec une corvée et une dépense supplémentaire et pas des moindre : celle du foin. Là si vous ne disposez pas d'un grand râtelier et d'une machine pour apporter directement des ballots de plusieurs tonnes, vous allez certainement vous retrouver avec la gestion, le stockage et la distribution de petits ballots à caler dans votre planning quotidien. 


râtelier fabrication maison

Autre conséquence indirecte, la limitation du nombre d'équidés. Prosaïquement vous allez certainement finir par réduire à deux spécimens vos équidés faute de temps et d'espace. De là, le nombre d'interactions sociales possibles de votre équidé risque de drastiquement diminuer. En plus des complications voir des limitations de l'utilisation de vos chevaux liées à la gestion de leur séparation. 


gestion du stress de la séparation
4- le coût

Val a quasiment toujours été en pension pré avec un coût entre 180 et 200€ par mois. Ce prix comprend les installations et leur entretien (prés, clôtures, abris, carrière, zone pansage/douche, sellerie, club house), le foin, l'orge, l'eau et autres consommables du cheval, et enfin un certain nombre de services (surveillance à minima, soins si blessure, sortie du cheval de son pré si véto, maréchal ferrant, etc...). Il existe aussi des frais "cachés" comme l'assurance, la location et l'entretient des prés (azotage, hersage, fauchage, etc...). Ce dernier point est particulièrement intéressant pour les propriétaires qui sont dégagés de toute responsabilité tant que le cheval n'est pas sous leur surveillance. Nous avons par exemple été remboursés des frais vétérinaires lors de la grosse blessure de Val (certainement sur un abri de la pension). 

Quant on a ses chevaux chez soi, à combien nous reviennent-ils ? Il y a quelques années maintenant, nous avons eu l'opportunité de louer un pré avec quelques installations (abris-eau-sellerie) avec une autre propriétaire. Nous avons calculé qu'avec l'investissement des clôtures étalées sur 2 ans et l'achat du foin pour tout l'hivers, sans même parler des frais annexes ni compter notre temps de travail (distribution foin, soins, vérification des clôtures), il nous restait à peine 40€/mois pour la location des terrains si nous ne voulions pas dépasser les 200€/mois au global sur toute l'année. Donc pour être à minima aussi concurrentiel niveau prix qu'une pension pré, il ne faut pas dépasser les 500€/an de location ou d'achat. Et à prix égal cela ne compte pas tout le temps supplémentaire, les assurances et les garanties qui sont comprises dans une pension. Dans notre cas, nous étions très loin du compte, nous avons abandonné le projet très rapidement.


Conclusion

Si vous avec la chance de travailler chez vous, et si vous pouvez habiter dans un coin épargné par l'agriculture intensive, alors vous faites certainement parti de ces chanceux qui vivent dans une carte postale et pour qui avoir ses chevaux chez eux est un grand bonheur, voir un gain de temps et d'argent. 
A l'inverse, si vous ne réunissez pas ces conditions, je vous conseille de vous penchez à deux fois sur la carte postale pour ne pas voir votre rêve se transformer en cauchemar boueux pour vous comme pour votre cheval. Il est en effet fort probable qu'avoir votre cheval chez vous entraîne une perte en temps, argent et santé pour vous et pour votre cheval une perte en espace, confort et interactions sociale. Les deux ont donc objectivement peu à y gagner comparé à une pension, même si cette dernière est loin d'être idéale.

Cependant, si vous restez un éternel insatisfait des pensions et que vous voulez absolument gérer le quotidien de votre équidé, des solutions alternatives existent. Les pensions collaboratives notamment. Le principe étant que plusieurs propriétaires d'équidés partageant une même vision du mode de vie idéal de leurs chevaux mettent leurs moyens en commun. Elles s'organisent ensuite pour louer ou acheter des terrains, puis pour se partager le coût et les travaux d'installation et d'entretien. Ce système demande un investissement, notamment en temps, bien plus important qu'une pension classique, cependant les avantages sont nombreux pour les humains et les chevaux. 
Un exemple ici : http://alter-equus.org/temoignage-la-pension-collaborative/


pension collaborative type paddock sur pistes en Isère 

1 commentaire:

  1. J'ai opté pour la pension pré, dans la rue. Le meilleur des deux mondes...

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