mardi 14 mars 2017

en finir avec le frisson destrier


photo issue du site : lesbaladins.net

Pourtant Roi de toute reconstitution historique, spectacle pseudo-médiéval ou film d'époque, le frison n'en est pas moins un imposteur ! Eh oui, il n'a jamais été le destrier des chevaliers médiévaux ! S'il est vrai que la race frisonne était déjà appréciée au Moyen-Age, elle était loin de ressembler aux frissons d'aujourd'hui, ces derniers ayant beaucoup évolués au cours du temps avec l'apports de sangs étrangers, andalous notamment durant l'occupation espagnole des pays-bas aux 16° et 17° siècles, mais aussi de trotteurs au 19° siècle.

Mais alors pourquoi, et ce même auprès des amateurs du genre qui passent leurs weekends en armures, le frison est-il devenu dans l'imaginaire collectif le cheval des chevaliers ?

"La Belle Dame Sans Merci" - Sir Frank Dicksee
peinture préraphaélite, typique du romantisme médiéval du 19°

La raison principale de cette confusion tenace nous vient tout droit du 19° siècle. Les historiens de cette période sont persuadés qu'il faut des chevaux lourds et grands pour supporter le poids des chevaliers et de leurs lourdes armures.
Une autre raison vient du fait que les amateurs de reconstitutions historiques tout comme les dresseurs de chevaux de spectacles et de cinéma apprécient énormément le Frison pour sa prestance et sa photogénie. Tout comme les chevaux espagnols ces derniers sont donc largement utilisés dans le monde du spectacle, peu importe les époques demandées.

Mais revenons au Moyen-Age, c'est en effet l'âge d'or de ces protections corporelles. D'abord cotte de maille et casque au 11° siècle, elles se sont rependues et complexifiées tout au long de cette période, si bien qu'au 15° siècle, elles recouvrent l'intégralité des corps des chevaliers et chevaux de métal. Elles sont rendues obsolètes, tout comme les châteaux forts à tours et échauguettes, par les armes à feux dont l’essor est permis par l'évolution de la métallurgie dès la fin du Moyen-Age pour les canons. Les armes à feux individuelles mettront plus de temps à développer leur fiabilité, les arbalètes et arcs continuent d'être utilisés ainsi que les armures complètes au début de la Renaissance.


illustration Larousse


Cependant et contrairement à ce que l'on a longtemps cru en étudiant des amures d’apparat, le Harnois complet (l'amure de plaques) était moins lourde et encombrante que les cottes et hauberts (robes) en mailles. Elle pesait environ 20 kg ce qui correspond au poids moyen d'un équipement militaire de toutes les époques et régions (c'est aussi le poids d'une combinaison complète de pompiers par exemple) et elle permettait de courir, lutter, se battre au sol, remonter à cheval rapidement. Finalement le plus difficile à porter restait le heaume qui restreignait le champs de vision et la respiration du chevalier. Le cheval quand à lui était aussi caparaçonné, il portait une barde qui avoisinaient les 30 kg et étaient plus souvent en cuir bouillit qu'en acier (là encore on garde en tête les armures d'apparat et non de guerre).

On voit donc qu'il n'était pas nécessaire d'avoir un cheval extrêmement grand et porteur pour supporter le chevalier et son amure complète. Les chevaux pouvant supporter de 20 à 30% de leur poids, si on ajoute le poids de l'équipement à celui des cavaliers de l'époque, plus petits en moyenne que les population actuelles européennes, on arrive à un cheval ayant un poids entre 550 et 600 kg.

photographe : David Ball
Sir Quint of Knights of Avalon on Noble a Clydesdale Draft Horse

De plus, avoir un cheval très lourd, grand et peu maniable semble être très désavantageux sur un champs de bataille où les qualités principales recherchées pour un cheval sont sa rapidité et sa maniabilité.
Mais alors quels chevaux se cachent sous les caparaçons ?

Attribué à Barthélemy d'Eyck vers 1460
Icy après s'ensuit comant les deux ductz de Bretaigne et de Bourbon
sont à cheval armoyez et timbrez ainsi qui seront au Tournoy.

Au Moyen-Age il n'y avait pas de registres d'élevage ou de races bien déterminées, les chevaux étaient désignés par leurs fonctions. Les étalons les plus beaux, grands et puissants devenaient des destriers, c'est-à-dire des chevaux de guerre et de tournois destinés aux nobles les plus riches. Ensuite venait les palefrois et haquenées, chevaux de la noblesse pour se déplacer et aller à la chasse. Les chevaux de moindre qualité appelés roussins étaient utilisés par les nobles de seconde zone. 

Les dernières recherches et fouilles archéologiques sur les caparaçons et autres pièces d'armures ainsi que les reconstitutions de tournois montrent que les chevaux utilisés pour la guerre mesuraient environ 1,50 m et avaient la morphologie de chevaux de selle plus que de trait. Au Museum of London, les chercheurs en analysant des œuvres littéraires, picturales, et des sources archéologiques, sont arrivés aux mêmes conclusions : le cheval militaire médiéval anglais mesurait entre 1,40 m à 1,50 m et se distinguait d’un cheval de selle par sa force et ses compétences plutôt que par sa taille. 

illustration plus proche de la réalité du cheval médiéval

Si l'on sait que les chevaux des Frises comme les genets d’Espagne, les chevaux navarins (aujourd’hui disparus) étaient très prisés, tout comme l'Irish Hobby a été utilisé durant les guerres d'indépendance de l'Ecosse en Angleterre, il ne reste pas en Europe continentale de race de chevaux restée intacte depuis le 14° siècle.

Seul le cheval islandais est parvenu jusqu'à nous sans aucun croisement depuis l'an 982. Bien qu'en moyenne un peu trop petit et léger pour correspondre totalement aux critères de l'époque, c'est aussi une des rares races équine qui ait conservée toutes les allures propres aux destriers et palefrois médiévaux, notamment l'amble.

L'islandais destrier ? Bien plus réaliste et non moins classe !

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Cheval_au_Moyen_%C3%82ge#cite_note-Hippia-45
- (en) John Clark, The Medieval Horse and its Equipment: c.1150-c.1450, The Boydell Press, 2004, 2e éd. (ISBN 1-8438-3097-3)
- (en) Christopher Gravett, English Medieval Knight 1300-1400, Oxford, Osprey Publishing, 2002 (ISBN 1-84176-145-1)
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Islandais_(cheval)
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Armure_(%C3%A9quipement)
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Frison_(cheval)#cite_note-Chepo36-1

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